Suède : e-book, think different !
Malgré le lancement de l’ibookstore Apple en Suède en 2011, le constat est amère, les ventes de livres électroniques n’ont pas décollées ce qui est très étonnant de la part d’un pays si friand de nouvelles technologie et si grand utilisateur de tablettes et autres smartphone.
La raison ?
Les suédois n’achètent pas de livres… ils les empruntent !
Selon le magasine des professionnels du livre « Svenskbokhandel« , la distribution d’e-book par le biais des bibliothèques est 6 fois plus élevé que celui des canaux de vente.
Selon certains experts, ceci serait la conséquence de l’intégration verticale du marché du livre suédois. En effet, les trois grands éditeurs suédois se partagent le marché et possèdent la maîtrise exclusive de leur propre canaux de distribution. Or comme les marges sont plutôt bonnes sur le livre physique, pourquoi ne pas retarder leur migration vers les ebooks dont on sait les marges plus faibles ? D’autres pensent qu’il s’agirait d’une résistance à Amazon et ses effets perturbateurs, et donnent des théories conspirationistes… Une autre explication donnerait plutôt une notion « d’état d’esprit suédois », qu’ils appellent eux-même « Saltsjöbadsandan » (Esprit deSaltsjöbad, nom du lieu où la trêve a été signée entre les syndicats et les entreprises dans les années 30).
Le modèle suédois de prêt d’e-book ne se fonde pas sur l’idée de « copie » comme c’est le cas pour le modèle international dominant mais plutôt sur une idée de « service ». Ce modèle a été élaboré il y a près de 10 ans, selon un accord entre les représentants des bibliothèques et ceux des éditeurs suédois. Ainsi en Suède nous n’aurez jamais à attendre pour réserver un e-book et de ce fait cela signifie que vous pouvez l’emprunter autant de fois que vous voulez.
Le modèle suédois de prêt d’e-book serait-il la voie à suivre ?
En tout cas, ce n’est pas l’axe qu’ont choisi les 6 grands éditeurs mondiaux, puisque ceux-ci se sont, soit retirés des bibliothèques, soit ont mis en place des politiques draconiennes pour les prêts (DRM, conditions et exigences renforcées), soit ont triplé leurs prix…
En fait dans le modèle suédois, se concrétise l’idée du livre gratuit car le lecteur ne paye pas directement son prêt, c’est la bibliothèque qui paye pour chaque transaction. Alors même si les éditeurs suédois y trouvent leur compte, les lecteurs s’attendent à trouver sur le marché des livres gratuits. C’est ainsi que certains éditeurs consentent à faire figurer leurs ouvrages en prêt dans les bibliothèques du seul fait de leur échec commercial. Ceci n’étant pas du goût des bibliothèques qui se sont élevées contre ces pratiques purement mercantiles de la part de ces éditeurs qui vont à l’encontre que l’idée d’être partenaire stratégique des éditeurs..
La semaine dernière, les médias suédois ont signalé un projet pilote de la ville de Stockholm en partenariat avec Ordfront (l’une des rares maisons d’édition indépendantes) et Publit (une société de technologie spécialisée dans l’e-book et de l’édition et de la distribution PoD) pour la création d’un modèle de licence double « Dual licensing ».
Le principe de « Dual licensing » est emprunté aux principes de licences du monde Open Source. Dans notre cas il s’agit d’un accord entre la bibliothèque Stockholm et les éditeurs qui consiste à ce que la bibliothèque numérise le fonds des éditeurs et en contrepartie ceux-ci lui octroient des conditions très avantageuses.
Dans le cadre de cet accord pilote, la bibliothèque va acheter la numérisation de 25 e-book qu’elle mettra à disposition selon le principe de l’abonnement à prix fixe pour une période de 11 ans. L’éditeur s’engage à éditer en format e-book l’intégralité de ses nouveaux titres et de les rendre disponibles en prêt à la bibliothèque de Stockholm.
Ce projet n’est pas mauvais, en effet, tout le monde y trouve son compte. L’éditeur trouve une forme de débouché commercial dans le prêt, avec des engagements quantitatifs et la bibliothèque s’assure d’un approvisionnement en nouveaux titres…
Si on regarde l’offre suédoise d’e-book, elle ne dépasse guère plus de 10 000 titres du fait que le marché suédois est trop étriqué pour permettre une rentabilité de l’édition numérique. Ainsi, il est une question de survie pour les éditeurs suédois d’effectuer une diffusion multi-support de leurs livres et des accords de la sorte avec les bibliothèques pourraient les y aider. D’un point de vue économique, ils avaient perdu le contrôle du marché avec le système de prêt, ce genre de partenariat permettrait aussi de stabiliser la situation, d’après un billet de Hannes Eder, directeur technique de Publit.
Si on en croit certaines réactions canadiennes, l’idée du partenariat « Dual licensing » entre les bibliothèques et les éditeurs a de quoi séduire…