Rabotages sociaux et dénigrements inscrits dans la loi !
Il y a à peu près 25 ans, lorsque je travaillais dans l’insertion sociale (le temps passe vite), mes stagiaires à la pause café n’arrêtaient pas de conclure : « ça peut plus tenir, ça va exploser et ça va faire mal » !
Et bien non… ça a tenu… ça a tenu bon même… jusqu’au mouvement des gilets jaunes.
Ce qui m’exaspère c’est que bon nombre de politiques ont été surpris de l’apparition du mouvement, c’est dire combien ils sont éloignés des réalités des français. À force de frayer dans les mêmes castes on finit toujours par perdre le sens des réalités.
Jadis… décidément je me sens vieux… dans mes cours de Droit à la fac, j’ai eu la chance de croiser quelques pointures du code civil, des auteurs… Or ceux-ci nous enseignaient que pour qu’une loi soit respectée, il fallait qu’elle soit compréhensible et juste… Or dans le mot juste il faut entendre les deux sens, celui de « justice » et celui de la « justesse », c’est à dire « qui convient ».
Le terme « compréhensible » est suffisamment limpide, « que tout le monde peut comprendre » et renforce l’esprit de « justesse » de tout à l’heure.
Avec ces éléments, le citoyen est sensé comprendre la loi et l’accepter puisqu’il comprend l’essence même de celle-ci, sa justesse, et la justice qui y est attaché. Il ne peut que la respecter.
Même si cela est un peu idyllique – nombre de gens ne respectent rien – c’est quand même une évidence… Mais tout dérape lorsque le droit social ne respecte plus cette idée.
Prenons un exemple. Vous êtes fraîchement divorcés et avez des enfants. Jusqu’à présent votre (ex) conjoint(e) avait à sa charge les enfants mais pour une raison quelconque (études des enfants, raison juridique, entente entre vous…), vous récupérez vos enfants.
Avant votre divorce, c’est votre conjoint qui était bénéficiaire de l’allocation CAF en se basant sur le revenu du couple, bien évidemment. Du fait de votre divorce, vous devez créer votre compte allocataire à la CAF pour pouvoir prétendre à une quelconque allocation. En fait si vos revenus étaient à peu près équilibrés entre vous, vous devriez avoir droit à une allocation CAF. Jusqu’ici, rien n’est vraiment surprenant. On pourrait simplement critiquer qu’aujourd’hui il soit nécessaire de créer des comptes CAF alors que nous sommes tous fichés aux Impôts et que ceux-ci pourraient très bien gérer les choses sans avoir besoin de rajouter cette couche administrative et technique. Bref nous avons tous un profil fiscal (numéro fiscal) et cela devrait être plus que suffisant… en plus cela serait franchement plus simple pour tout le monde.
Bref… jusqu’ici tout va bien, et vous pouvez prétendre à une allocation. Sauf que cette administration possède des règles bien peu sociales… Votre conjoint indique au 1er Juin ne plus avoir les enfants avec lui(elle), donc vous avez récupéré les enfants avec vous dès le mois de juin…CQFD !
Vous pensez pouvoir prétendre à la prestation dès juin, prestation due à « mois échu » c’est à dire que le montant serait versé en Juillet. Et bien vous avez tout faux ! L’administration en agitant le sacro-saint mot de « réglementation en vigueur » sans pour autant vous donner le décret sur lequel elle se base, histoire de maudire l’homme politique qui a osé pondre ça, ne considère que les enfants doivent avoir été un mois chez l’autre parent avant que celui-ci puisse prétendre à une ouverture de droits. Le comble. Ainsi l’administration vous carotte un mois de prestation en se cachant derrière la loi.
Voilà bien « compréhension« , « justice » et « justesse » de la loi ! En un autre temps on aurait appelé ça « cracher à la figure du peuple ».
Après cela comment voulez-vous que les gens aient confiance en l’Institution (et tout ce qui va avec, lois, autorité déposée etc), la respectent et suivent ses règles ?
Ce genre d’exemples sont légions… pour ne parler encore une fois que de la CAF, j’ai lu la semaine dernière qu’une femme avait entamé une grève de la faim parce que la CAF lui sommait de rembourser des sommes qu’elle avait injustement perçue… en ponctionnant… sans lui laisser de quoi vivre. En règle général il y a toujours la possibilité de négocier un échéancier… mais dans ce cas il semblerait que la CAF n’ait rien voulu savoir… A vérifier.
Que parler encore du stéréotype du chômeur fainéant… c’est bien connu, le chômeur adore se laisser tomber dans l’oisiveté et change de bagnole grâce aux prestations sociales.
Oops !
(non ce n’est pas une source du site du gouvernement)
La prime de la conversion d’après les statistiques gouvernementales a profité aux gens fortunés pour acheter des SUV… Bravo ! Encore une loi débile pour encore plus de débilité, car chacun sait qu’il n’y a rien de plus absurde d’un point de vue écologiste qu’un SUV et un smartphone Apple.
Je vais arrêter mes digressions mais je tiens à terminer par une petite histoire bien réelle d’un de mes stagiaires. Jacques avait plus de 50 ans, pas de diplômes, vivant seul dans un trou à rat à 40 km de La Rochelle. Je vous passe ses conditions de (sur)vie que vous pourrez aisément imaginer. Pour je ne sais quelle raison ses droits au RMI (453,63 euros pour une personne seule… je rappelle que la seule indemnité de base d’un parlementaire en net est de 5 715,43 € – sources assemblée nationale – soit 12 fois plus) étaient épuisés. Chômeur depuis plus de trois ans (et certainement bien plus), en retrait des services sociaux, son seul moyen de locomotion était une vieille mobylette rafistolée à coup de scotch et d’autres bidules récupérés ici et là. Pour espérer un peu d’aide, j’entends un peu d’argent, il lui fallait faire un stage de retour vers l’emploi, comme on disait alors.
Plus de 50 ans, en campagne, dans un bassin d’emploi partagé entre la pêche et l’agriculture, avec peu de perspectives d’emploi… mal desservi par les transports en commun… Non lui n’a pas « traversé la rue » pour trouver du travail ! Lui, il a fait 80 km par jour avec sa pétrolette pour venir au stage, il a été bien sage, bien appliqué, ponctuel, il a frappé à toutes les entreprise de pêche du coin… « trop vieux »… tous ce qui pouvait embaucher… « pas de place », « trop vieux » (sans vouloir lui dire….), « pas assez qualifié ». Il a refait son CV, sa lettre de motivation, a entamé l’élaboration d’un parcours professionnel…. Dernier jour du stage… coup de bol… un contrat d’un mois…même pas à temps plein, perspective de renouvellement… euh … non. Alors Jacques s’est rendu à La Rochelle… tous les jours, a même fait du stop quand sa bécane a rendu l’âme… pour honorer sa part du contrat… Non, tous les chômeurs ne sont pas des fainéants… Jacques a retrouvé un peu de dignité pendant le stage et un mois de boulot… mais cela n’a pas suffit à lui faire retrouver quelques droits sociaux… un sursis pour mieux crever dans nos campagnes. Après cela, je peux vous dire dire que Jacques était toujours motivé… le temps d’un autre stage… et a fini par perdre espoir.
Alors merde… des Jacques j’en ai vu plein, des gars qui se font virer parce qu’ils atteignent la 50aine et que c’est plus rentable de bénéficier des aides à l’embauche des jeunes au SMIC…Oui j’en vois plein aussi. On vire le père pour embaucher le fils pour payer moins cher… Mais aucun politique ne s’offusque… normal pour eux le chômage n’existe pas (il suffit de regarder les PDG des boîtes publiques… c’est la valse, on passe d’une administration à une autre sans sourciller… Les politiques arrivent toujours à …rester en politique…lamentable.)… alors comment pourraient-ils le comprendre, le chômage ? Et si on les virait passé 50 ans nous aussi ?