Chiffres de l’édition 2019, le scolaire seul booster
Le SNE a publié les derniers chiffres de l’édition clôturant sur fond de COVID l’année 2019. Cette perspective ne permet donc pas de tirer des conclusions ou de pronostiquer pour l’année 2020 même si dans son article sur l’impact du COVID le SNE indique qu’un quart des maisons d’édition annonce une baisse de près de 40% de leurs chiffres d’affaires.
Cette indication est à nuancer car rien n’indique la part des gros éditeurs, ni celle des autres. Il est évident que les petits éditeurs souffriront davantage.
Le chiffre d’affaires global de l’édition s’élève pour 2019 à 2806 M€ (millions d’euros) et représente une augmentation de 5%.
Pour le chiffre d’affaires propre aux livres (c’est à dire hors cessions de droits) celui-ci représente 2665 M€. La part des cessions de droits dans le CA tend à augmenter même si globalement il est en légère baisse, 2,98%, par rapport à 2018. En effet la cession de droits représente une valeur sûre pour les gros éditeurs.
En France, le marché du livre est dominé par le géant Hachette autour duquel gravitent plusieurs satellite. Les miettes restantes sont partagées avec une multitude de petits éditeurs qui ont peine à exister.
Pour en avoir une idée, voici le top 6 des plus gros éditeurs et leurs derniers chiffres d’affaires connus (2019 ou 2018) :
- Hachette (Hatier, Larousse, Dunod…) : 2384 M€ (env. 84% du marché)
- Editis (XO, R. Laffont, Paraschool…) : 750 M€
- Madrigall (Gallimard, Casterman, Flamarion) : 574 M€
- Média Participations (Dargaud, Dupuis, Seuil, Fleurus…) : 548 M€
- Lefebre-Sarrut (Dalloz, Delmas…) : 508 M€
- Albin Michel (Magnard, De Boeck…) : 201 M€
- Union Distribution (Acte Sud, Nova Groupe…) : 74 M€
La réforme des programmes du BAC de l’éducation nationale initiée en 2018, a permis de faire la part belle à l’édition scolaire avec une progression foudroyante de plus de 35%. Et ce bien que seulement 30% des étudiants ou scolaires ont pu en profité : il reste encore 70% à doter en ouvrages scolaires. C’est donc une réforme qui arrive à point nommé pour les éditeurs scolaires. A ce propos, la dernière page du rapport SNE offre une jolie page de pub à Jean-Michel Blanquer et Frank Riester en retranscrivant 3 questions sous forme d’interview. A chacun d’en tirer ses propres conclusions.
Les ouvrages de documentation (comprend qui peut cette dénomination) augmentent de plus de 16% tandis que le secteur de la BD augmente quant à lui de 11%. La littérature et les livres pratiques peinent à 0.6% de progression, le secteur de la jeunesse tire un petit 1% et les sciences humaines sont à 3% environs.
Quel dommage que le SNE n’analyse pas plus profondément les secteurs. Il aurait été ainsi intéressant de connaitre les évolutions du livre policier, du thriller, du fantastique, etc. Et cela serait d’autant plus intéressant pour les sciences sociales de connaitre ces chiffres pour 2020 permettant de mieux analyser et comprendre les effets sur la lecture du confinement.
En fait rien de très nouveau dans l’édition. Le SNE n’arrive toujours pas à fournir des chiffres exploitables sur l’édition numérique. Les détails par format (EPUB, PDF etc.), GAFA (hé oui hélas), lecture en ligne, abonnement, en prêt… manquent et l’on reste sur sa faim. Néanmoins le chiffre donné indiquant une progression de 9,6% est à regarder de plus près.
En effet, derrière cette progression, il se cache deux choses. Le premier constat est une progression de 111% environ pour l’édition scolaire. On pourrait expliquer ceci par d’une part, par le changement des programmes et d’autre part par les manques de finances des régions pour équiper les lycées en manuels scolaires. La solution du numérique, moins cher que le papier, permet d’augmenter le nombre d’ouvrages à acheter par rapport au budget. Sans cette réforme et en se basant sur une stagnation du scolaire, la progression n’aurait été que de 1%… ce qui s’apparente plus à une stagnation du marché du numérique qu’à une progression.
La deuxième chose que l’on constate, c’est la baisse du secteur grand public. Le numérique grand public baisse de 7,9%. Le numérique à peine à prendre auprès du grand public et ce n’est pas une nouveauté. Les habitudes de lecture numérique proviennent des catégories CSP+ et de profils dévoreur de lecture. En outre on ne sait pas non plus dans les tableaux du SNE qu’elle est la proportion du livre audio qui fait partie, normalement, du numérique. Ainsi on ne peut pas savoir, si la régression de lecture numérique du grand public provient d’un désintérêt global pour le livre numérique ou d’un engouement plus prononcé pour le livre audio par exemple.
Que dire sur ce rapport ? 64 pages d’articles plus que d’analyses et c’est bien dommage. Un report de chiffres plus précis ou une analyse plus minutieuse aurait pu donner des indications plus intéressantes. Les affirmations de l’article sur le COVID ne reposent que sur des intentions d’interviewés dont on ne connait pas le poids dans l’édition, et donc, elles ne peuvent pas être prises pour argent comptant. Les autres articles sont du même niveau et n’apportent pas grand chose à l’analyse poussée. Nous sommes bien content, par exemple, de savoir que les imprimeurs utilisent majoritairement du papier respectueux de l’environnement… Il est regrettable que ce rapport ne soit qu’un résumé (autant l’annoncer). Je regrette le manque d’information sur le Print on Demand, la différenciation sur le numérique, l’autoédition, une analyse du prêt d’ouvrage (numérique et imprimé), Amazon, l’audobook, les éditeurs full numérique… etc. etc. Tout ce qui pourrait se cacher derrière le mot « rapport ».
Il faudra peut-être attendre un rapport du ministère de la culture pour avoir une vision plus concrète et plus détaillée de l’édition, si celui-ci ne se borne pas, lui aussi, à nous faire de la com’, campagne électorale présidentielle oblige.